Hyperphagie boulimique
Dernière modification : 04.10.2021
Ou binge eating disorder. On parle d'hyperphagie boulimique lorsque les épisodes récurrents de crises de boulimie ne sont pas associés à des comportements compensatoires (vomissements, utilisation de laxatifs...).
Sémiologie
L'accès hyperphagique :
- est un accès boulimique sans comportement de purge,
- phénomène de « craving »: sensation de faim compulsive et irrépressible,
- conscience du trouble avec souffrance psychique importante.
Il est associé à des distorsions cognitives :
- une illusion de contrôle, avec un comportement rigide d’hypercontrôle, alternant avec des phases de transgression et de compulsions ,
- une confusion entre les signaux émotionnels, d’anxiété et de faim,
- un renforcement négatif lié à la culpabilité.
Diagnostic positif
- Survenue d’épisodes récurrents d’ hyperphagie incontrôlée : prises alimentaires largement supérieures à la moyenne en peu de temps et impression de perte de contrôle des quantités ingérées ou de la possibilité de s’arrêter.
- Ces épisodes sont associés avec au moins 3 des éléments suivants : manger beaucoup plus rapidement que la normale, manger jusqu’à éprouver une sensation pénible de distension abdominale, manger de grandes quantités de nourriture en l’absence de sensation physique de faim, manger seul parce que l’on est gêné de la quantité de nourriture que l’on absorbe, se sentir dégoûté de soi-même, déprimé ou très coupable après avoir mangé.
- Détresse marquée en lien avec l’existence de cette hyperphagie .
- Au moins 1 fois par semaine pendant au moins 3 mois consécutifs.
- Pas de comportements compensatoires inappropriés et ne survient pas exclusivement au cours de la boulimie ou de l’anorexie mentale.
Diagnostics différentiels
- Tumeurs cérébrales, épilepsies,
- Syndrome de Kleine-Lévin (associant hypersomnie périodique et hyperphagie ) ;
- Syndrome de Klüver-Bucy ( agnosie visuelle, hyperoralité, hypersexualité et hyperphagie ) ;
- Boulimie.
- Obésité métabolique ou génétique.
- Trouble dépressif et trouble bipolaire.
- Troubles de la personnalité de type borderline et évitante-dépendante.
Comorbidités
- Troubles addictifs : alcool, cannabis, amphétamines, cocaïne, drogues de synthèse, opiacés, psychotropes...
- Trouble dépressif, trouble bipolaire.
- Trouble de la personnalité borderline .
- Risque suicidaire.
- Troubles anxieux : trouble anxieux généralisé, trouble de l'adaptation, trouble obsessionnel compulsif, trouble panique, trouble de stress post-traumatique et trouble phobique (phobie sociale).
Complications
- prise de poids et obésité,
- de la malnutrition,
- troubles digestifs,
- troubles cardiovasculaires et métaboliques,
- complications gynéco-obstétricales,
- lésions dentaires érosives, polycaries, parodontopathie.
Évaluation
Le repérage et la prise en charge précoces des troubles du comportement alimentaire sont recommandés pour prévenir le risque d’évolution vers une forme chronique et les complications somatiques, psychiatriques ou psychosociales, en particulier chez les adolescentes.
Dépistage en population générale :
Il est recommandé :
- de suivre systématiquement les courbes de croissance en taille, poids et corpulence chez les enfants et adolescents pour identifier toute cassure des courbes et calculer leur l’indice de masse corporelle2 (IMC) ;
- de calculer et suivre l’IMC chez les adultes.
Dépistage chez les populations à risque :
- poser systématiquement une ou deux questions simples sur l’existence de TCA telles que : « avez-vous ou avez-vous eu un problème avec votre poids ou votre alimentation ? » ou « est-ce que quelqu’un de votre entourage pense que vous avez un problème avec l’alimentation ? » ;
- ou utiliser le questionnaire SCOFF-F où deux réponses positives sont fortement prédictives d’un trouble du comportement alimentaire.
Recherche des signes de gravité, des comorbidités et des complications :
- examen physique complet,
- ECG, hémogramme, ionogramme,
- comorbidités psychiatriques & risque suicidaire
Conduite à tenir
Quand adresser à un addictologue ou à un psychiatre ?
- la prise en charge est multidisciplinaire,
- le médecin traitant peut se positionner en médecin coordinateur de la prise en charge,
- il convient d'associer à la prise en charge un médecin gérant les aspects somatiques (qui peut être le médecin de premier recours) et un psychiatre, pédopsychiatre ou psychologue,
- l'orientation vers des soins spécialisés dans les troubles alimentaires pourra se faire en cas de besoin d'un avis diagnostique ou thérapeutique, ou pour assurer la coordination des soins.
Les objectifs de la prise en charge sont :
- la recherche d’une alliance thérapeutique,
- l'information sur l' hyperphagie boulimique et ses complications, les ressources et lieux d'aides disponibles,
- la prise en charge des comorbidités psychiatriques et non psychiatriques,
- la renutrition si nécessaire.
Attention au syndrome de renutrition inapproprié.
L'intervention psychosociale consiste en :
- une psychoéducation,
- l'entretien motivationnel peut être utilisé pour aider à l'adhésion au traitement et aux changements de comportement,
- la thérapie de soutien est utile tout au long du suivi,
- les thérapies systémiques familiales, les thérapies cognitives et comportementales peuvent être indiquées
- il existe des programmes d’auto-assistance : livres, site internet…
Adresser aux urgences / en hospitalisation si :
- risque suicidaire élevé, automutilations
- complications de l'obésité
Traitement médicamenteux :
- les ISRS peuvent être proposés en deuxième ligne (notamment en cas d’impossibilité d’accéder à une psychothérapie structurée) et toujours associés à une prise en charge psychologique et multidisciplinaire.
- la fluoxetine est l'ISRS de premier choix.
Références
HAS, Boulimie et hyperphagie boulimique, Recommandations de bonne pratique, juin 2019.
The Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5th ed.; DSM–5; American Psychiatric Association [APA], 2013).