Trouble bipolaire
Dernière modification : 04.10.2021
Le trouble bipolaire est un trouble psychiatrique sévère, chronique et fréquent. Ce trouble se caractérise par des changements pathologiques de l’humeur et de l’énergie qui peuvent être augmentées (la manie) ou diminuées (la dépression).
Sémiologie
Le syndrome maniaque comprend :
Des perturbations psychoaffectives :
- une humeur élevée, expansive, exaltée, euphorique,
- une labilité émotionnelle , hyperesthésie, hypersyntonie ,
- une augmentation de l’ estime de soi , idées de grandeur, sentiment de toute-puissance, idées mégalomaniaques,
- avec une altération ou une absence de conscience du trouble.
Des perturbations psychomotrices :
- des perturbations du cours de la pensée ( tachypsychie , pensée diffluente, fuites des idées , coq-à-l’âne, jeux de mots, associations par assonances),
- une hypervigilance, une distractibilité, des altérations de l’attention et de la concentration,
- une accélération motrice et comportementale ( agitation , hyperactivité souvent stérile, augmentation de l’énergie, augmentation des activités à but dirigé, logorrhée , tachyphémie , hypermimie , désinhibition ).
Des perturbations physiologiques :
- une insomnie partielle ou totale, réduction du temps de sommeil avec absence de sensation de fatigue,
- une anorexie ou au contraire une hyperphagie , un amaigrissement, une possible déshydratation,
- une augmentation du désir et de l’excitation sexuelle, une hypersexualité.
Le syndrome hypomaniaque est un syndrome maniaque atténué :
- on retrouve une augmentation pathologique de l’ humeur et de l’énergie pendant une période clairement délimitée dans le temps,
- la symptomatologie et le retentissement fonctionnel sont moins importants que dans le syndrome maniaque.
La sémiologie du syndrome dépressif est identique à celle de l'épisode dépressif caractérisé. Il est évocateur d'un trouble bipolaire lorsque :
- il apparait avant 25 ans,
- il apparait dans le contexte du péri-partum,
- il est de début brutal,
- il est sévère (mélancolique),
- il est saisonnier,
- il est associé à un trouble de l'usage de substances,
- il existe des antécédents familiaux de trouble de l' humeur .
Diagnostic positif
Le diagnostic de trouble bipolaire se fait sur la seule présence d'un épisode maniaque dont :
- la sémiologie est telle que décrite précédemment,
- l'évolution doit avoir lieu depuis plus de 7 jours (ou toute autre durée si l'épisode maniaque a nécessité une hospitalisation),
- il est associé à une altération marquée du fonctionnement professionnel, des activités sociales ou des relations interpersonnelles ou bien existence de caractéristiques psychotiques,
- en l'absence de diagnostic différentiel.
Ou bien d'un épisode hypomaniaque associé à au moins un épisode dépressif caractérisé :
- la sémiologie est telle que décrite précédemment,
- l'évolution doit avoir eu lieu pendant au moins 4 jours consécutifs,
- l'altération du fonctionnement est moins marquée,
- le diagnostic de l'épisode dépressif est identique à celui décrit dans le trouble dépressif.
Critères d'intensité
L'épisode dépressif ou maniaque est considéré comme sévère si :
- quasiment tous les symptômes / perturbations sociales ou professionnelles nettes,
- caractéristiques psychotiques (présence d’ idées délirantes et/ou d’ hallucinations , congruentes ou non à l' humeur ),
- caractéristiques mixtes (symptômes maniaques au cours d’un épisode dépressif ou symptômes dépressifs au cours d’un épisode maniaque),
- caractéristique catatoniques,
- caractéristiques anxieuses.
Formes cliniques
- Trouble bipolaire de type I : au moins un épisode maniaque et possibilité d’épisodes dépressifs caractérisés,
- Trouble bipolaire de type II : au moins un épisode hypomaniaque et un épisode dépressif caractérisé.
Diagnostics différentiels
Non psychiatriques :
- toxiques (intoxication par des substances psychoactives),
- neurologiques (tumeur cérébrale, sclérose en plaques, AVC, trouble neurodégénératif débutant...),
- endocriniennes (troubles thyroïdiens, maladie de Cushing),
- métaboliques (hypoglycémie, troubles ioniques, maladie de Wilson...),
- iatrogéniques (corticoïdes, antidépresseurs, interféron-alpha, bêta-bloquants ; L-Dopa..).
Psychiatriques :
- trouble dépressif,
- trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité,
- trouble de personnalité (trouble de la personnalité état-limite ou borderline ),
- schizophrénie et autres troubles psychotiques
- troubles anxieux.
Comorbidités
Le trouble bipolaire est associé à de nombreuses comorbidités psychiatriques :
- il faut impérativement rechercher les conduites suicidaires,
- les troubles de l'usage de substances,
- les troubles anxieux,
- le trouble déficit de l'attention / hyperactivité,
- les troubles des conduites alimentaires,
- les troubles de la personnalité,
Les comorbidités non-psychiatriques sont les pathologies cardio-vasculaires et le syndrome métabolique.
Évaluation
Des antécédents d'épisode maniaque peuvent être recherchés à l'aide du Mood Disorder Questionnaire (MDQ).
Il est difficile d'évaluer les patients quant à une hypomanie, car ceux-ci n'identifient le plus souvent pas les états euphoriques comme anormaux. Le recours à un questionnaire de dépistage est utile.
Rechercher la présence d' idées suicidaires (évaluer l'urgence).
Conduite à tenir
Quand adresser à un psychiatre ?
- lorsqu'il s'agit de sujets jeunes, nécessitant une intervention précoce
- si besoin d'une aide à la décision thérapeutique
- si méconnaissance de l'utilisation des traitements
- si forme sévère, complexe (par ex : comorbide, femme enceinte) et/ou résistante au traitement
L'épisode maniaque est une urgence médicale.
Quand adresser aux urgences ?
- épisode maniaque
- potentiel suicidaire avéré ou suspecté,
- troubles importants du comportement,
- risque hétéro-agressif,
- symptômes psychotiques ou catatoniques.
Les objectifs de prise en charge en soins primaires :
- Dépister et poser le diagnostic
- Offrir une psychoéducation et des stratégies sociales et comportementales
- Débuter le traitement médicamenteux des formes simples
Le traitement consiste en :
- l'arrêt du traitement antidépresseur éventuellement en cours (risque de virage maniaque , les antidépresseurs favorisent les rechutes et les cycles rapides),
- la mise en place d'un traitement régulateur de l'humeur ou thymorégulateur : traitements d'attaque d'un épisode maniaque (lithium, valproate, antipsychotiques de 2ème génération: olanzapine, risperidone, quetiapine, aripiprazole) ou traitements d'attaque d'un épisode dépressif (lithium, lamotrigine, quetiapine),
- une psychothérapie associée
Références
AESP, CNUP, & CUNEA. (2021). Référentiel de Psychiatrie et Addictologie (3e édition conforme au nouveau programme) Psychiatrie de l’adulte. Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Addictologie (Presses Universitaires François Rabelais).
Roger McIntyre, The patient who is manic, Psychiatry in Primary Care (CAMH, 2011).
The Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5th ed.; DSM–5; American Psychiatric Association [APA], 2013).
Ressources
MDQ (mood disorder questionnaire)
Le MDQ est un auto-questionnaire de dépistage de symptômes du trouble bipolaire de type I ou II sur la vie entière.
Questionnaire d'hypomanie de Angst
Auto-questionnaire de dépistage du ou des épisodes hypomaniaques en 10 items.