Trouble de la personnalité
Dernière modification : 18.12.2024
Une personnalité "normale" est souple et adaptable selon son environnement. Le trouble de la personnalité occasionne un fonctionnement pathologique : il est caractérisé par une altération du fonctionnement social avec une incapacité à s'adapter aux différentes situations de la vie.
Sémiologie
L'incapacité d'adaptation dans le trouble de la personnalité est dû à une altération :
- des cognitions (perceptions de soi, des autres ou du monde),
- de l'affectivité (adéquation de la réponse émotionnelle à une situation donnée),
- du fonctionnement interpersonnel
- et du contrôle des impulsions ,
qui sont particulièrement rigides et inadaptés, entraînant une souffrance et un handicap fonctionnel importants.
Contrairement aux autres troubles psychiatriques, un trouble de la personnalité est stable et durable dans le temps, avec ses premières manifestations qui apparaissent au plus tard à l'adolescence ou au début de l'âge adulte.
Il existe 10 troubles de la personnalité, chacun ayant des traits et un mode de fonctionnement propres. Ils ne sont cependant pas exclusifs (50 % des patients concernés combinent au moins 2 troubles).
Diagnostic positif
- Traits de personnalité particulièrement marqués et rigides, envahissant les situations sociales et personnelles très diverses,
- Incapacité à s’adapter aux différentes situations de la vie,
- Altération du fonctionnement social, de la qualité de vie et de l'insertion socio-professionnelle.
À noter que les traits de personnalité peuvent s'accentuer de manière transitoire (par exemple, une personnalité borderline aura une aggravation de ses traits de personnalité en cas de dépression associée), mais ils peuvent aussi s'aggraver ou s'améliorer avec l'âge.
Formes cliniques
CLUSTER A / PSYCHOTIQUES :
Le trouble de personnalité paranoïaque se caractérise par une méfiance généralisée à l’égard d’autrui, une hypertrophie du moi, une altération du jugement, une rigidité, et peu d’émotions exprimées.
Le trouble de personnalité schizoïde retrouve une tendance à l’isolement, l'absence d’intérêt pour autrui et les relations sociales, une réactivité émotionnelle peu marquée (aspect de froideur).
Le trouble de personnalité schizotypique se caractérise par des compétences sociales altérées, une tendance à la solitude ou anxiété lors de situations sociales, une vie psychique relativement riche : distorsions cognitives (croyances bizarres) et/ou champs d’intérêt particuliers et « originaux » (comme l'ésotérisme, la magie, les phénomènes paranormaux, …), un discours souvent flou ou vague, des affects pauvres ou inadéquats.
CLUSTERS B / EMOTIONNELLES :
Le trouble de personnalité antisociale (psychopathie, sociopathie ou personnalité dyssociale) comporte une impulsivité, tendance au passage à l’acte, l'absence de culpabilité, une incapacité à se conformer aux normes sociales, des comportements transgressifs répétés, des contacts avec la police et la justice, voire de condamnations, une tendance à la manipulation d’autrui.
On retrouve souvent un antécédent de trouble des conduites avant l’âge de 15 ans.
Le trouble de personnalité borderline ou état-limite est le plus fréquent des troubles de la personnalité. Il est associé à de nombreuses comorbidités psychiatriques et addictologiques et où le risque suicidaire est très élevé. On retrouve souvent de la violence (physique, psychique et/ou sexuelle) ou de la négligence dans l'enfance.
Il regroupe trois grandes dimensions fondamentales d’instabilité :
- une instabilité affective avec des oscillations (en lien avec les frustrations du quotidien) entre euthymie et dépression, angoisse, colère inappropriée, souvent associé à un sentiment chronique de vide,
- une instabilité interpersonnelle majeure avec des relations intenses et chaotiques alternant entre les deux extrêmes d’idéalisation et de rejet de l'autre ; peur intense d’être abandonné (efforts effrénés pour éviter les abandons) ; instabilité affective importante ; mises en échec répétées, …
- une instabilité de l’identité et l’image de soi (les buts, les repères, les choix, …).
Les répercussions cliniques sont bruyantes :
- troubles du comportement liés à l’impulsivité ( automutilations , conduites à risque y compris relationnelles et/ou sexuelles, automédication avec très souvent un mésusage important et tentatives de suicide répétées),
- possibles moments transitoires de symptômes dissociatifs sévères comme la dépersonnalisation et la déréalisation ou de symptômes psychotiques comme des hallucinations .
Les patients souffrant de trouble de la personnalité borderline, ainsi que leurs proches, pensent souvent à tort être atteints de trouble bipolaire à cause de l'instabilité affective (même si les 2 troubles peuvent coexister).
Le trouble de personnalité histrionique est caractérisé par une labilité émotionnelle , une quête affective excessive, une attitude inappropriée, parfois provocante et/ou séductrice, une hyper expressivité des affects, un théâtralisme, une suggestibilité.
Le trouble de personnalité narcissique ont un sens grandiose de leur propre importance. Se jugeant supérieurs, spéciaux ou uniques, surestimant leurs capacités, ayant une volonté de puissance et de succès, s'attendant à être reconnus, admirés et traités avec respect et tolérant de ce fait très mal la critique. L'autre est dévalorisé et/ou sous-estimé, ils manquent d’empathie, sont insensibles aux besoins et aux sentiments d’autrui, sont perçus comme prétentieux, arrogants et méprisants, mais leur estime d'eux-même est en réalité très fragile.
CLUSTER C / ANXIEUSES :
Le trouble de la personnalité évitante se manifeste par une inhibition relationnelle et sociale, une mésestime de soi et sensibilité exacerbée au jugement négatif d’autrui, des conduites d’évitement de situations où les contacts sociaux sont importants ou alors les exposants aux regards d’autrui.
Le trouble de la personnalité dépendante est le besoin excessif d’être pris en charge par autrui, la tendance à se dévaloriser, ne se sentant pas capables d’assumer leurs propres responsabilités et sollicitant à l’excès un tiers pour qu’il décide à leur place. Les relations sociales sont souvent déséquilibrées et limitées à quelques rares personnes.
Le trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive regroupe méticulosité, souci du détail, de l’ordre, rigidité, perfectionnisme , tendance à la procrastination , prudence excessive, valeurs morales ou éthiques contraignantes, émotions contrôlées, peu de spontanéité.
La personnalité obsessionnelle-compulsive ne doit pas être confondue avec un trouble obsessionnel compulsif : ici, il n'y a ni obsession ni compulsion.
Diagnostics différentiels
- Troubles psychotiques (surtout pour le cluster A) : schizophrénie, trouble délirant persistant,
- Trouble dépressif ou trouble bipolaire (surtout pour le cluster B),
- Troubles anxieux (surtout pour le cluster C) : trouble phobique, phobie sociale, …
L'ensemble de ces diagnostics différentiels peuvent aussi être des comorbidités : la présence d'un diagnostic n'exclut donc pas l'autre.
Comorbidités
- Crise suicidaire
- Troubles de l’ humeur : trouble dépressif, trouble bipolaire,
- Troubles anxieux : trouble anxieux généralisé, trouble de l'adaptation, trouble obsessionnel compulsif, trouble panique,
- Trouble de stress post-traumatique,
- Autre trouble de personnalité,
- Trouble de l'usage de substance
- Trouble du comportement alimentaire : anorexie mentale, boulimie, hyperphagie boulimique.
Conduite à tenir
Il est important de coordonner la prise en charge de ces patients souvent complexe en :
- définissant clairement les rôles
- déterminant ce qu'il faut faire en cas de crise
- communiquant régulièrement au sein de l'équipe soignante
- notant l'information qui est échangée dans l'équipe
Il est important de déterminer lequel des médecins assume la responsabilité principale ou globale du patient.
Adresser rapidement à un psychiatre si :
- Adolescent, jeune adulte,
- Présence de comorbidités psychiatriques,
- Impact majeur du fonctionnement, avec handicap fonctionnel dans la vie de tous les jours.
Adresser aux urgences si :
- Urgence suicidaire,
- Risque hétéro-agressif.
Prise en charge :
La prise en charge est complexe : une personnalité ne "guérissant" pas, l'idée est d'atténuer le fonctionnement pathologique de la personne pour limiter le handicap fonctionnel.
- Essentiellement basée sur la psychothérapie (la psychothérapie choisie sera en fonction de la personnalité),
- Toujours soigner les comorbidités psychiatriques associées (prise en charge médicamenteuse ou non médicamenteuse).
Références
AESP, CNUP, & CUNEA. (2021). Référentiel de Psychiatrie et Addictologie (3e édition conforme au nouveau programme) Psychiatrie de l’adulte. Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Addictologie (Presses Universitaires François Rabelais).
The Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5th ed.; DSM–5; American Psychiatric Association [APA], 2013).
Ressources
Emoteo
Application d'aide à la gestion des émotions (journal, exercices) pour les personnes atteintes de trouble de la personnalité borderline développée par l'université de Genève.
Programme de thérapie basée sur la pleine conscience
Programme audio gratuit et en accès libre en 15 séances.
Breath Zen
Application d'initiation et de pratique de la relaxation et de la méditation de l'Université Paris Nanterre.